La CAA a jugé le 30 septembre 2021 (N° 19LY02979) que :
“5. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 121-7 et L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles que sont en principe à la charge de l’Etat les mesures d’aide sociale relatives à l’hébergement des familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, à l’exception des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin, notamment parce qu’elles sont sans domicile, d’un soutien matériel et psychologique, dont la prise en charge incombe au département au titre de l’aide sociale à l’enfance en vertu de l’article L. 222-5 du même code. Toutefois, cette compétence de l’Etat pour l’hébergement des familles n’exclut pas l’intervention supplétive du département lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l’exigent, par des aides financières versées en application de l’article L. 222-3 du code de l’action sociale et des familles. Dès lors, et sans préjudice de la faculté qui lui est ouverte de rechercher la responsabilité de l’Etat en cas de carence avérée et prolongée, un département ne peut légalement refuser à une famille avec enfants l’octroi ou le maintien d’une aide entrant dans le champ de ses compétences, que la situation des enfants rendrait nécessaire, au seul motif qu’il incombe en principe à l’Etat d’assurer leur hébergement.
9. Il découle de tout ce qui précède que le département est fondé à rechercher la responsabilité de l’Etat en raison de sa propre prise en charge de familles relevant de l’hébergement social lorsque la carence de l’Etat est avérée et prolongée, c’est-à-dire lorsqu’elle dépasse un mois à compter de la demande de la famille ou de son éviction d’un dispositif d’hébergement social de l’Etat.
Sur le préjudice :
10. D’abord, contrairement à ce que soutient le préfet, les justificatifs produits par le département, à savoir un tableau synthétique de la situation administrative, économique et sanitaire de chaque famille, un tableau de prise en charge détaillant les périodes de prise en charge et leur coût et enfin les factures acquittées auprès d’hôtels suffisent à établir la réalité du préjudice subi et son quantum. Au demeurant, le département a modifié ses demandes en réponse aux observations de l’Etat sur certaines lacunes ou erreurs entachant ses premiers documents. Il résulte de l’instruction que le coût global de la prise en charge des familles concernées, excepté le premier mois pour chaque période d’intervention du département, peut être estimé à 1 470 957,50 euros.
11. Ensuite, le préfet est fondé à soutenir que le préjudice du département se limite aux frais de nuitées et ne comprend pas les frais de petit déjeuner dès lors que l’intervention supplétive du département ne concerne que l’hébergement. Il y a lieu de déduire de la somme précitée au point 10, celle de 198 493,50 euros correspondant aux frais de petit déjeuner.
12. Enfin, il résulte des deux points précédents que le préjudice subi par le département s’établit à la somme de 1 272 464 euros. Il y a lieu de condamner l’Etat à verser au département cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2016, date de réception de sa réclamation préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée par le requérant le 14 avril 2017, date d’enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif. Il y a lieu de faire doit à cette demande à compter du 27 décembre 2017, date à laquelle était due pour la première fois une année d’intérêts ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.